Vivre

Vietnam, un retour qui laisse des traces profondes

Retour au Vietnam : une traversée au cœur de mes souvenirs.

Carnets de voyage en asie

Retour au Vietnam

La traversée du Vietnam.

Voilà qu’une idée saugrenue pour les uns et originale pour les autres, mes potes, germe dans mon esprit alambiqué, d’artiste un peu fol dingue. J’ai l’envie subite et incontrôlable de faire une virée à travers le Vietnam. Oh non pas comme tout le monde, pas une visite touristique style, « bonjour les retraités en mal de divertissement », mais quelque chose de plus « caractériel » où la folie de la découverte d’un magnifique pays peut se marier harmonieusement avec un besoin de faire quelque chose de bien particulier pour un pays qui a si souvent et si longtemps souffert.

Je glisse insidieusement cette idée farfelue dans la tête de mes compagnons de voyage habituels. Comme prévu, ils sont rapidement enthousiasmés par ce projet encore mal calibré mais déjà si sympathique. Mais par quel bout commencer, peut- être envoyer des mails en proposant des spectacles gratuits à tous les orphelinats, organisations locales d’aide à l’enfance, ong…Nous recherchons sur le Web des adresses, des contacts, des plans afin de ficeler notre projet, pour qu’il aboutisse sur place et assister à la joie des enfants auxquels ils sont destinés. Ni une, ni deux, les réponses fusent comme une mitraille joyeuse et rassurante. Nous avons enfin réussi à mettre sur pied un véritable itinéraire, à la fois touristique, artistique, et farfelu, et celui-ci tient réellement la route ; une aventure extraordinaire se profile à nous, pleine d’imprévus et de promesses, du moins nous l’espérons.

Billets, visas, matériel de magie, ballons à sculpter, costumes de clowns, maquillage, valises légères, tout un micmac nous accompagne partout, en avion, en train, en bateau, en car et à pied, à pied le moins souvent possible car nous ne sommes pas des sportifs ! Chacun de nous a des obligations et nous nous donnons rendez- vous à 15h, le 16 juillet dans la piscine du célèbre Hôtel de Saïgon, le fameux et historique Hôtel Majestic.

photo t.Beyne

Le vol se déroule dans la plus grande sérénité et quand nos pieds foulent enfin le sol, nous sommes immédiatement happés par une chaleur suffocante et un tintamarre digne de tous les grands aéroports internationaux du continent asiatique. Des agences de voyages malmènent de pauvres vieux panneaux griffonnés à la main au bord de la retraite anticipée, des guides sérieux comme des portes de prisons éructent des noms postillonnant tels des lamas en colère, , des cris stridents déchirent le brouhaha ambiant, des joies incontrôlées de retrouvailles familiales fusent gais et bruyants, vous l’avez compris, nous sommes arrivés au Vietnam.

Certains chauffeurs de taxi, mi- officiels, mi- mafieux, s’empressent d’attirer des touristes peu avertis pour une course hasardeuse afin de récolter une somme fort juteuse bien au- dessus des tarifs normalement pratiqués. Sans perdre nos bagages de vue et après un change rapide sous très haute surveillance , nous trouvons, après maintes péripéties grotesques, un taxi qui bientôt nous conduit, dans un concert de klaxons, à bon port, vers le centre de la capitale économique du Vietnam. De la poussière, du ramdam, des rais de soleil sur nos lunettes opaques, de l’émerveillement et soudain le Majestic se dresse, orgueilleux, devant nous, telle une page d’histoire, glorieuse et mouvementée. Des « dongs » , monnaie locale, plein les mains, je règle la course, quelque peu affolé par le nombre de zéros qui ne traduit guère qu’une érosion monétaire galopante.

Après un regard admiratif, nous nous engouffrons à l’intérieur de l’hôtel, à la recherche de la fameuse piscine. Nous sommes fort déçus quand nous apercevons le panneau « closed » qui nous cloue sur place : comment retrouver nos potes dans cette ville inconnue ! Les roulettes de nos valises endurent une course effrénée, un calvaire olympique, sans jamais se briser sur les marches mythiques de l’escalier, et nous nous retrouvons à l’extérieur. Nos yeux se transforment immédiatement en radars ultra- sophistiqués, balayant le fronton avec minutie et en analysant méticuleusement chaque badaud, chaque évènement . Soudain nous aperçevons une forme bien familière cachée derrière un livre, Agnès nous attend mollo pommes frites, zen et souriante. Le quatrième larron, Pierre, nous rejoint ensuite au Hanoï hôtel, grand merci aux téléphones mobiles. Chambres propres sans cafard, climatisation en état de marche, tuyauterie entretenue, personnel souriant, ce havre de paix nous accueille pour la modique somme de 10 dollars la nuit soit à l’époque environ 8 euros. Une douche rapide, des vêtements légers, l’appareil photo en bandoulière et 30 petites minutes plus tard, le sirop de la rue nous submerge, nous broie délicieusement.

Saïgon l’insouciante, Saïgon la festive, grenier du Vietnam nous distille ça et là sa vivacité et son âme joyeuse. Une ville jeune, colonisée par une fourmilière des piétons indisciplinés, passe devant nos yeux tel un long serpent de couleurs et de lumières. Un bruit assourdissant et omniprésent nous enveloppe dans un concert de klaxons, de sonnettes de vélos, de mobylettes nerveuses, de voitures pétaradant, de conversations tonitruantes et de musique…Si vous avez des problèmes d’audition, cette ville vous permettra de vous retrouver rapidement dans la norme standard des « bien- entendants ».

photo t.Beyne

La cathédrale construite par les Français, la poste majestueuse, le fameux marché Tanh binh où l’on déguste sur des mimis tables d’enfants en plastique d’excellents raviolis vietnamiens, la place de la Tortue, le marché aux antiquaires, rien ne nous échappe ou peut- être tout nous a échappé ! Tant de choses à admirer à la fois, tant d’images d’Epinal à se remémorer, que des instants de bonheur à siroter sans modération et à partager ensemble, nous étions dans le cœur de la vie.

Il ne faut surtout pas rigoler, il va falloir bosser. Quelques coups de téléphone et bientôt nos contacts se manifestent, le Français ou parfois l’Anglais nous permettent de communiquer assez facilement. Une jeune fille nous donne rendez- vous et par une nuit douce et câline, nous nous retrouvons dans un restaurant au décor merveilleux et au charme désuet. Elle est là, jolie et conviviale, et nous accueille gentiment, nous propose de faire la commande, nous parle de son monde, celui du cinéma, peut- être même de la télévision… Des serveurs, dans un jeu touristique bien huilé, jettent en l’air du riz grillé d’un caquelon et le rattrapent in- extrémis dans un autre plat sous le feu nourri des applaudissements.

photo t.Beyne

Après des négociations étroites avec notre charmante interlocutrice, nous nous rendons compte par la suite que faire des spectacles à Saïgon restera impossible. Que d’aléas intempestifs, de tergiversations asiatiques, de « oui » qui sont des » non » et de « non » qui sont des « oui » ou qui , on ne sait jamais, sont des « peut- être ». Courage ne fuyons pas et essayons malgré tout, de continuer imperturbablement notre périple indochinois !

Un coup de fil pour un deuxième contact à Nga tran, et là surprise, tout est prévu, on nous attendra à la gare. Il est vrai que cette rencontre a été organisée depuis La France par Enfants du Vietnam, une Petite ONG, bien implantée dans cette région. Les billets de train dans la poche, toujours nos valises collées à notre arrière- train et nous voilà partis pour une nouvelle aventure. Avant le départ, nous engouffrons des soupes, des brochettes et des fruits sur le quai transformé en grand restaurant enfumé par des barbecues au feu de bois. Après une nuit paisible peuplée de douceur, nous arrivons enfin à Nga-tran, une très belle ville bordée de magnifiques plages dorées.

Un vrai comité joyeux et convivial nous accueille, souriant et déjà reconnaissant de ce que nous n’avons pas encore fait. Chacun de nous est accroché à son pilote- motocycliste vietnamien, comme la vermine sur le bas clergé, à califourchon sur de fiers destriers, oh pardon, pas très fiers, sur de vieilles mobylettes rouillées. Ce convoi exceptionnel, exceptionnellement farfelu, se dirige en grande pompe vers notre hôtel qui nous accueille tels d’importants émissaires, des ambassadeurs de la bonne humeur apportant de la joie et de la bonne humeur. Une vue lumineuse sur la plage égaie tout de suite nos yeux remplis de reconnaissance. A peine étions nous arrivés, que nous nous éjectons dans la rue propulsés par une curiosité incontrôlable. Une grande artère centrale bordée de cafés, des gargotes aux produits colorés, de laveries nous ouvre les bras… Au bout, une plage magnifique s’étend à perte de vue, délimitée d’un côté par une eau transparente et limpide et de l’autre par des arbres verts, exotiques et généreux. A cet instant précis, nous nous croyons comme par magie « téléportés » au paradis et, comme vous le savez peut- être pas, la magie, chers lecteurs, ça me connaît. Les gens nous sourient, la chaleur se fait plus supportable et la vie paraît plus douce, paisible même. Il est évident que derrière cette carte postale idyllique se cachent la pauvreté et parfois même le désespoir. C’est pour toutes ces raisons que l’association, les Enfants du Vietnam, a choisi de mener ici une action à long terme afin d’aider au niveau scolaire et matériel les enfants défavorisés ou abandonnés. Ces derniers errent souvent, mendiant par ci et par là quelques dongs aux rares touristes de cette basse saison. Je pensais qu’à cette époque de l’année, les « touristes » auraient simplement déjà colonisé les plages si magnifique qu’on appelle aussi la côte d’Azur du Vietnam.

De nouveau nous enfourchons nos machines pétaradantes, toujours collés à nos pilotes, pour rendre visite aux enfants. Ils sont trop mignons, les yeux pétillants de malice, ils nous attendent pour rencontrer ces « drôles de clowns » dont ont leur a si souvent parlé. Leur bonheur n’est pas feint, ils sourient heureux mais aussi impressionnés. Des bisous pour tous, des moments inoubliables qui resteront éternellement gravés au fond du cœur.

Le lendemain, le convoi de mobylettes se faufile dans la ville comme un long serpent se dandinant indifférent aux regards étonnés des badauds. Qui sont donc ces étrangers, habillés de beaux atours, que l’on transporte sur de si beaux « véhicules » ? Un auditoire d’enfants et d’adultes nous attend discipliné et fébrile. Nous enfilons nos costumes de lumière, faible lumière, et le spectacle commence sous un tonnerre d’applaudissements. Des rires éclatent comme un tir de missiles ponctués par des oh d’étonnement, la magie reste pour les Vietnamiens, une sorte de sorcellerie totalement incompréhensible. Les petits yeux bridés s’arrondissent et pétillent, les bouches restent grandes ouvertes, les grands et les petits ont tout oublié, ils ne sont que plus des spectateurs comblés voyageant dans un pays extraordinaire fait de rêves. C’est gagné, sans un mot de vietnamien, en utilisant exclusivement des onomatopées et des gags, nous avons donné pendant 45 minutes, un vrai instant de bonheur où la peine et la tristesse ont été momentanément bannies. Les spectacles se sont enchaînés, et toujours dans la bonne humeur, simple et communicative.

Sachant qu’un bon salaire se situe aux alentours de 50 euros, notre pouvoir d’achat au Vietnam nous donne l’impression pas désagréable, de posséder une vraie fortune de vivre dans un autre monde si souvent souhaité. Souvent nous dînons dans la rue de plats simples et délicieux. Parfois, étant devenus momentanément de « nouveaux nababs », nous décidons de passer une soirée dans un restaurant huppé. Jamais nous n’avons regardé les prix comme à Paris, rien que le plaisir de choisir sans l’appréhension de l’addition par trop salée. Des restaurants en plein air, dans des jardins paradisiaques, une cohorte de serveurs qui s’évertuent à nous traduire une carte aux noms alléchants, des boissons à gogo, une température douce tel était notre purgatoire vietnamien. Un soir, las de nous goinfrer de mets plus succulents les uns que les autres, nous décidons de manger plus léger, un tant soit peu diététique. Nous achetons donc une énorme langouste, longue comme mon bras que vous ne connaissez sûrement pas d’ailleurs, l ‘ingurgitons illico presto ; pauvre animal, terminer sa vie dans des estomacs sans fond, est une bien triste « faim », oh sorry « fin ». Que la vie est difficile… pour nos pauvres estomacs évidemment ! Je revois encore avec bonheur, les matins naissants et des petits « dej’s » sur les terrasses ou le long de la plage. Bientôt sur nos propres mobylettes nous écumons Nga tran, à la recherche d’Alexandre Yersin biologiste de renom qui a laissé ici, un souvenir emu ( recherche sur le bacille de la peste).

Des bains de boue motivent plus les filles, des ballades à mobylettes enthousiasment plus les garçons, chacun fait sa vie en somme. Notre hôte principal nous convie à faire une belle croisière dans la baie, mais contrairement aux touristes qui se déplacent sur de lentes jonques de bois, il a prévu pour ses honorables invités, c’est- à- dire nous, un puissant et magnifique hors bord digne de la jet set. Royalement véhiculés, nous visitons un aquarium, puis une belle plage privée et enfin une ferme marine spécialisée dans l’élevage des langoustes géantes, un périple tout bonnement harassant.

Nous déambulons nonchalamment dans un marché local quand soudainement une voix nous attire dans un stand de fruits. Une femme souriante et pleine d’égard nous attire vers son étal, et nous fait comprendre qu’elle a assisté au spectacle et que celui- ci a été pour elle un moment inoubliable. Et pendant qu’elle nous « éructe » ses remerciements, elle nous met dans la bouche un morceau de «  durian » fruit fort apprécié en Asie mais dont l’odeur d’œuf pourri doublé d’effluves de pets invite plus à la poudre d’escampette qu’à la dégustation gourmande. Dans une grimace mi- figue, mi- raisin, nous « machouillons » le fruit et le trouvons sympathique malgré la puanteur et même presque bon, disons pas désagréable. En revanche Agnès dans une mimique grimaçante et torturée recrache le tout en vociférant qu’on lui a enfourné de la « merde » dans la bouche, question de goûts et de couleurs. La pauvre dame voyant Agnès, le visage décomposé, transformé en masque de souffrance se trouve du coup fort embarrassée .

Voilà déjà 15 jours et nos 2 amis sont obligés de repartir vers Paris. La peine dans l’âme, ils prennent l’avion pour Saïgon pour s’en retourner vers notre triste civilisation où la principale préoccupation est la retraite et les congés payés.

Après un au revoir joyeux et à la fois nous ému, nous nous retrouvons comme 2 âmes en peine mais toujours très motivés pour de nouvelles aventures en Indochine. Nous décidons de continuer notre périple et partons avec des amis de rencontre vers Hué la ville Impériale. Il avait été loué pour cette occasion, un mimi van Mercédès climatisé et nous partons 5 tels des pachas en « pachaterie ». De magnifiques paysages défilent devant nos yeux, côtes sauvages et indomptées, plages interminables caressées par une lumière diaphrane, rizières voluptueuses dociles à la caresse du vent ou routes auréolées de poussière s’enroulant autours de montagnes aux cimes majestueuses. Souvent nous pouvons entrevoir à travers une végétation luxuriante, de fragiles silhouettes surmontées d’un chapeau conique accompagnées de zébus puissants et massifs, lents et majestueux. Je remarque que ces grandes artères sont souvent très dangereuses, les usagers n’ont aucune notion de sécurité routière ; de surcroît notre ami nous précise que le nombre d’accidentés de la route a atteint le niveau stupéfiant et colossal des tués de la guerre d’Indochine.

Nous arrivons enfin, et là nous attend une agréable surprise. Notre nouvel ami, natif de Huè, nous a réservé une superbe chambre dans un hôtel situé juste au bord de la fameuse rivière des parfums. Nous prenons tous les matins notre petit-déjeuner sur la terrasse où nous pouvons contempler à la fois le paisible ballet des sampangs glissant paresseusement sur l’eau et l’interminable flot des vélos traversant l’historique pont Clemenceau construit par Eiffel. Surplomber cette magnifique ville, siroter un petit cocktail doucereux sous la caresse d’un vent amical semble quelque peu nous rapprocher du divin.

Sans mobylette point de salut, mais pour des habitués du voyage c’est chose aisée, il faut juste arrêter un motocycliste lui expliquer la chose et un serrement de mains suffit à finaliser la négociation. Nous prenons dès lors la « mob » et convenons simplement d’un rendez- vous au même endroit pour la restituer, et jamais aucun de problème de confiance ne vient perturber cette opération.

photo t.Beyne

Nous partons alors pour de longues virées à travers la campagne vietnamienne à grande vitesse, à plus de 15 kms/h oubliant les limitations de vitesse. Des cimetières parsemés de tombes bleues et blanches s’alignent le long de notre route. Une chaleur accablante nous poursuit inlassablement malgré les kilomètres parcourus. Souvent nous nous arrêtons dans une gargote pour désaltérer nos pauvres gosiers asséchés et faisons la « une » des conversations. Un temple, une maison typique, des ateliers, tout nous fascine et sont comme des étapes indispensables à notre curiosité. Sans notre amie la mobylette, nous n’aurions jamais eu le plaisir et la possibilité de nous déplacer avec facilité et ainsi de pouvoir admirer de si jolis lieux inaccessibles aux touristes.

Traverser le pont Clémenceau en deux roues est un moment de fort stress dû à la nuée ininterrompu des cyclo- pousses , mobylettes, motos, voitures, chariots et camions. Dans un flux presque magique, tout ce petit monde se croise, se suit inlassablement sans que le moindre incident. Ce genre de situation demande une grande expérience de la part du conducteur ou simplement une grande dose d’inconscience ; la peur et la réflexion seraient sûrement un facteur aggravant car trop réfléchir, dans ce cas de figure, aboutirait certainement à une chute brutale.

Un grand marché avec ses lots de bibeloteries, fruits, légumes, nous accueille les bras ouverts. Nous nous y engouffrons comme éperdus de curiosité, nous frayant un passage parmi cette fourmilière de «  ao-daï » (tenues longues vietnamiennes) et de chapeaux coniques. Tenaillés entre le désir de tout voir et celui de s’arrêter pour déguster de délicieux plats, nous butinons de stands en stands savourant chaque instant avec volupté.

Langoureusement notre embarcation descend la rivière des parfums à la recherche des temples enfouis, témoins impuissants d’une histoire longue et douloureuse.

Il faut penser à partir vers Hanoï, la capitale coloniale, des enfants nous attendent déjà et attendent avec impatience la venue des 2 clowns.

photo t.Beyne

Illico presto, nous décidons de prendre un autocar non climatisé et aseptisé ressemblant plutôt à un drôle d’engin motorisé avec tous les autochtones et leurs les bagages en total excédent. Bonjour l’aventure, les arrêts pipi dans des lieux top pas touristiques mais beaucoup plus typiques donc plus intéressants, les dégustations « découvertes » dans des restos des plus folkloriques aux plats étranges aux consistances glauques, le bruit infernal et les lumières omniprésentes et coupantes comme des couteaux. Eve avait acheté un pantalon et comme par un étrange sortilège lancé par des gourous invisibles, celui ci présenté comme du pur coton, se met à gratter la peau comme une fourmilière. Impossible de résister à cette attaque en règle, cet assaut insupportable et dès lors une seule solution se présente : enlever cet oripeau maléfique. Devant le regard médusé des voyageurs, mais fort intéressé des hommes, Eve se défait de ce pantalon, et reste vêtue d’un simple slip. Un vrai spectacle est offert gratuitement et sans supplément à nos amis vietnamiens qui, pour la plupart, n’avaient jamais assisté à un tel effeuillage ; cet événement qui restera gravé a vie dans leurs souvenirs et sera certainement conté dans leur famille, générations après générations.

Après un voyage mouvementé mais ma foi paisible, nous atteignons Hanoï vers les 5h30 du matin. La ville virevolte déjà dans un tournis de mobylettes, de camions et de vie généreuse. Nous découvrons cette ville attachante dans la chaleur matinale, des rues étroites, des étals en pleine ébullition et surtout cette odeur de Pho ( soupe tonkinoise au bœuf) qui nous titille délicatement les narines. Des attroupements autour des cuisines de fortune attisent brusquement notre appétit ; nous sommes ici au cœur de cette ville, berceau de cette soupe si populaire ici et exportée dans le monde entier dans tous les restaurants asiatiques. Enfin la soupe chaude est là dans un bol ébréché mais plein de promesses si agréables. Plus de 10 000 kms pour apprécier enfin ce pho dans son habit d’origine. Et dès la première bouchée nous nous apercevons que le goût est extrêmement différent, à la limite du « foutage de gueule », la déception s’abat sur nous comme la misère sur le monde. Rien à voir avec ce que nous avons l’habitude de déguster, sinon une vague ressemblance olfactive due vraisemblablement à l’ajout de 5 parfums. Effectivement ici le pho est un plat populaire où la viande est rare, grasse et les pâtes lourdes et nombreuses.

Bientôt nous trouvons un hôtel dans lequel nous déposons nos valises et comme à notre habitude, après une rapide toilette, nous nous enfonçons rapidement dans la jungle cette ville grouillante. Notre mobylette nous mène dans les endroits les moins touristiques colorés et déroutants. De petites ruelles vivantes où pullulent des cyber-cafés et des restaurants familiaux.

Nous rencontrons la responsable de la communication de Hoa- soa, école de cuisine réputée pour la formation hôtelière de jeunes enfants déshérités. Elle est très heureuse de notre venue et nous confirme tous les spectacles qui se dérouleront dans le cadre de leur lieu de formation. Des adolescents nous attendent de pied ferme, le visage fermé, et déjà prêts à nous réduire en pièces. Les attirer, les regrouper pour démarrer le show, est chose difficile, et bientôt ils sont tous là méfiants, sur la défensive. Le spectacle commence, la magie fait son œuvre, des foulards multicolores surgissent de nulle part, des boîtes apparaissent comme happés par la main des clowns, des ballons se transforment en animaux, le public se prend au jeu, enthousiasmé par tant de folie, rigole, et bientôt des sourires radieux illuminent les visages. Le pari est gagné, les barrières sont tombées après 45 minutes de lutte sans pitié, corps à corps plein de ruse et de gaieté.

Pas de repos, nous prenons un taxi et traversons tout Hanoï et sa banlieue pour atteindre enfin après un trajet des plus pittoresques le fameux « village de l’amitié » créé par des ex- soldats américains affectés eux- même par le tristement célèbre et terrifiant « agent orange », dioxyne largement diffusé par épandage par l’armée US. Nous voulons absolument nous produire ici, afin de donner aux enfants un vrai petit instant de bonheur. Une salle de classe, des chaises, des enfants attentifs, et ma foi par trop sérieux, tel est notre lieu de spectacle. Ces enfants si terriblement atteints nous donnent ce sentiment de réaliser peut- être pour la première fois, quelque chose de réellement important et indispensable.

En France, nous nous produisons toujours avec plaisir, mais cette fois ci, un sentiment de faire quelque chose de rare, nous permet de réaliser à quel point nous pouvons être « utiles ». Des rires fusent malgré la barrière da la langue, les gags provoquent des hilarités, la magie transporte hors du réel, et une fois de plus, le petit moment de rêve a pu balayer, l’espace d’un instant, des années de peine et de douleur. Notre plus belle récompense est de voir ces enfants aux yeux encore plein d’émotion, ces mains accrochées à nos habits de clown et qui ne veulent plus nous lacher. Je comprends aujourd’hui mieux le nom de ce lieu, « village de l’amitié ».

Désormais les visites s’enchaînent, le mausolé de Ho- chi- ming, le musée de la guerre…Des rencontres avec le passé qui nous font revivre ce passé oublié mais encore si vivant dans le cœur des Vietnamiens.

Nous avons un rendez- vous avec un ami qui vient de France et qui a la bonne idée de nous faire rencontrer un responsable du ministère de la culture. Nous voici dans le bureau de ce dernier qui après un thé de bienvenu, nous annonce avec emphase que notre proposition de nous produire au grand théâtre d’Hanoï l’intéresse au plus haut point. Après une visite des lieux, le haut fonctionnaire nous propose des places de choix pour une représentation des fameuses marionnettes sur l’eau. Marionnettes, voilà bien un spectacle qui ne nous ravie pas du tout, nous avons l’hantise de nous endormir en plein milieu de la représentation. Mais comment refuser une invitation si courtoise !

Nous voilà avec nos billets devant ce haut lieu de la culture vietnamienne, une queue interminable de touristes nous précède et annonce une longue attente. Un employé du Théâtre nous interpelle comme si il nous connaissait, nous fait passer devant toute cette foule, nous fait pénétrer dans le hall, puis dans un bureau. Et bientôt celui ci, un membre du ministère de la culture, nous présente la directrice qui nous propose l’habituel thé de bienvenue. Un traducteur nous permet de mieux comprendre l’histoire de ce théâtre de marionnettes. Je regarde ma montre et me rends compte que le spectacle est déjà commencé. Aucune importance me soufflent t- on, car tout a été repoussé pour nous. Nous sommes enfin dans la salle où tous les spectateurs impatients attendent depuis près de 15 minutes ; l’on nous propose 2 places au premier rang, en plein milieu ; des regards interrogateurs croisent les nôtres, pour eux, nous sommes certainement des personnes de la plus haute importance . La terreur s’empare de nous, comment s’éclipser en « louzdé » si le spectacle de marionnettes est par trop soporifique. Une vraie gifle nous est infligée car non seulement nous nous endormons pas, mais pire nous adorons ce spectacle qui nous a réconcilié avec ce monde que nous paraissait vieillot et un peu « has been ». Un mini feu d’artifice, les lumières se rallument et devant les spectateurs médusés, l’on nous offre officiellement une marionnette afin de nous remercier d’avoir bien voulu venir assister à cette représentation.

Après une telle aventure pas facile se retrouver dans la rue comme de simples touristes !

Retrouver Saïgon n’est pas désagréable, mais simplement l’étape indispensable pour repartir à Paris. A peine arrivés dans l’avion, qu’une hôtesse demande à Eve si elle accepte de faire le voyage en « business », des photos d’une « européenne » seront prises pour la publicité de cette compagnie asiatique. C’était comme demander à un manchot de retrouver l’usage de son bras ! Installés dans de super fauteuils pour un rapide « shooting », nous avons vécu cette sinécure avec volupté.

Escale à Teïpei, 2 heures d’attente, une galère en perspective s’annonce à grands pas. Nous pénétrons dans l’avion et là éclate une dispute entre passagers. Afin de résoudre le problème dans les plus brefs délais, l’hôtesse nous propose de céder nos places et malheureusement en contre- partie elle ne peut que nous proposer des places en « première ». La malchance nous poursuit de nouveau, des fauteuils top conforts et larges, un repas dans des couverts d’argent, un service aux petits oignons, rien que des désagréments. A peine réveillés que l’odeur d’un petit déjeuner délicieux nous titille déjà les narines. Effectivement ce n’est pas le même voyage qu’à l’aller.

Une seule pensée nous hante, retourner au Vietnam, sillonner le pays et recommencer ce sympathique périple qui nous a nous a donné tant d’émotion et de souvenirs.

J’avais oublié de vous dire, je suis d’origine vietnamienne et ce voyage m’a permis de retrouver un pays trop longtemps occulté par mes parents.

Aujourd’hui nous préparons une autre tribulation vietnamienne avec des artistes sympathiques et l’impatience gagne déjà.

A Propos de l'auteur

Nicolas Le Ganec

Nicolas Le Ganec

Érudit de musique. Evangéliste professionnel des médias sociaux. Amoureux de voyage.

Ajouter Un Commentaire

Cliquez ici pour poster un commentaire

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.